Index général
A
Adventus
Cérémonie d'entrée dans une cité, réservée à l'empereur ou à l'un de ses représentants, voire un autre dignitaire. Ce rituel est souvent représenté dans l'iconographie et fixe certains temps forts comme l'arrivée de l'empereur à cheval ou sur un véhicule tiré par des chevaux. Libanios évoque l'adventus de Julien à Antioche en juillet 362 (Or. I, 120) : c'est à cette occasion que Julien le reconnaît parmi les notables qui se pressent à sa rencontre et qu'il lui marque une attention toute particulière. MacCormack 1974 ; Perrin-Saminadayar, Bérenger 2009 ; Destephen 2016. |
Ami /Amitié
Notions et termes (φιλία, φίλος, φιλεῖν) extrêmement importants dans le contexte de la correspondance. Ils renvoient aux liens particuliers entretenus entre les partenaires des échanges par lettres : c’est la sociabilité épistolaire. L’amitié recouvre en fait plusieurs réalités. Elle est d’abord celle qui unit deux personnes (depuis l’enfance, depuis des études communes, des relations familiales, professionnelles, etc..) et qui justifie que le lien soit entretenu par les lettres malgré l’éloignement. Elle renvoie également au lien spécifique que crée l’échange de lettres, car Libanios peut s’adresser à un personnage qu’il ne connaît pas encore et le traiter « en ami », car il le joint par amis interposés. La communauté épistolaire partage – en théorie – une culture commune, dispose des mêmes codes et reconnaît les mêmes valeurs ; un correspondant que Libanios intègre dans son cercle ou dont il reçoit pour la première fois une lettre ne peut être qu’un homme de culture, ami des λόγοι, avec qui peut se nouer une connivence culturelle. Les citations littéraires sont, par exemple, le moyen de cette reconnaissance mutuelle et comme un système crypté d’identification. Le terme d’« ami » dans la correspondance ne désigne donc pas forcément un familier de longue date, mais celui qui, par l’échange épistolaire, entre dans une communauté culturelle et sociale privilégiée. |
C
Calomnie/diffamation
Trois familles de mots appartiennent au champ lexical de la calomnie (συκοφαντέω-ῶ/ συκοφαντία/συκοφάντης ; βλασφημέω-ῶ/βλασφημία ; διαϐάλλω/διαϐολή). La première, qui renvoie à une pratique bien attestée de la Grèce classique, a les préférences de Libanios (ep. 918,1 ; 922,2 ; 958, 4 ; 977, 1). Si le substantif συκοφάντης désigne tout d’abord plutôt un « dénonciateur » qu’un « calomniateur », le verbe s’est spécialisé dans la profération d’accusations mensongères. L’étymologie de βλασφημέω-ῶ/ βλασφημία renvoie au fait de parler (φήμη) dans le but de nuire (βλάπτω) à quelqu’un ; quant à διαϐάλλω (ep. 922, 3), verbe polysémique, il signifie d’abord « diviser », « désunir », puis « accuser », parfois à juste titre, et enfin, le plus souvent, « calomnier », « diffamer » Dans le tableau de la société antiochéenne telle que Libanios la dessine dans sa correspondance ou ses discours, la calomnie apparaît comme une arme fréquemment utilisée pour nuire à un adversaire, ruiner la carrière d'un concurrent ou faire pression sur un individu. Tous la redoutent, hommes de pouvoir – par exemple les gouverneurs ne cédant pas à certaines requêtes – et simples particuliers, notamment quand leurs intérêts personnels s'opposent à ceux de groupes ou d'institutions (Thalassios et Eusébios). Les rivalités entre sophistes s’expriment aussi au moyen de la calomnie : Libanios dit en avoir été victime à plusieurs reprises de la part de collègues concurrents, jaloux de son succès et de l'attrait qu'il exerçait auprès des élèves. Dans les lettres qui soutiennent la cause d'amis en difficultés, ces derniers sont fréquemment présentés comme ayant subi l'esprit querelleur, l'injustice et la calomnie de leurs opposants (cf. ep. 1051, 2). |
Cursus publicus
La « poste publique » a été créée au début de l’Empire (sous le nom de vehiculatio), mais réorganisée sous Dioclétien, puis Constantin et ses fils. C’est un service qui assure le transport et l’hébergement des représentants de l’État – les fonctionnaires –, la transmission du courrier officiel et celle de toutes les ressources fiscales. Comme elle est aussi un moyen d’information pour l’État romain, destiné à faciliter la prise des décisions politiques et militaires, il s'agit d'un véritable « instrument de gouvernement ». À l’origine, seul l’empereur a le droit d’autoriser l’utilisation des infrastructures postales. Puis ce droit s’est étendu à de nouveaux représentants du pouvoir jusqu’à ce que, face aux abus, les empereurs y mettent un terme : à la fin du IVe siècle, seul l’empereur, et, par délégation, les préfets du prétoire et les maîtres des offices peuvent émettre les autorisations (evectiones). La base du service de la poste et des transports est la voie publique, que ce soient les routes principales ou les voies secondaires. Les différents lieux d’étapes, relais postaux (mansio, mutatio, stabulum, praetorium, statio) et leur personnel doivent être fournis et entretenus par les cités, sur le territoire desquelles ils se situent ; c’est une lourde charge pour elles. Le service de transport est donc un impôt qui pèse sur les provinciaux, sous différentes formes : fourniture d’animaux, de voitures, de fourrage ou corvées diverses (entretien des relais et des voies, travaux ponctuels et réfections, palefreniers, maréchaux-ferrants, conduite des voitures). Pour toute la période de l’Empire, ce qui conditionne l’utilisation du cursus publicus n’est pas la longueur, la vitesse, ou l’importance politique et militaire du voyage, mais uniquement le fait que l’utilisateur officiel (où qu’il aille, quelle que soit sa mission, qu'il voyage léger ou lourdement chargé) a le droit de bénéficier d’un permis postal (droit réglementé par le Code Théodosien, en particulier au L. VIII). Voyager par la poste, à l’époque tardive, est un privilège, la marque d’une faveur impériale et des services rendus, c’est aussi la preuve concrète que le personnage est un membre de l’élite socio-politique, ou exerce une mission jugée importante par l’administration de l’Empire. Les évêques en bénéficient pour se rendre aux conciles. Demougin, Navarro Caballero 2014 ; Lemcke 2016 ; Crogiez-Pétrequin 2021 ; Destephen 2021. |
D
Δικαιοσύνη
La δικαιοσύνη (justice) figure au rang des vertus cardinales chez Platon et Aristote (Éthique à Nicomaque, livre V). Chez les philosophes comme chez Libanios, elle est le plus souvent dénommée par son objet (τὸ δίκαιον, « le juste »), car c'est lui qui la détermine et permet de définir en quoi elle consiste dans des circonstances particulières (par exemple « rendre ce que tu dois », ep. 847 à Proclos). La justice, qui peut se décliner en équité ou en probité, est une des vertus attendues des gouverneurs et autres représentants de l’empereur. Cette exigence de justice prend une force particulière à l’époque tardive tant la tâche des gouverneurs se concentre sur l’activité judiciaire, au point qu’on appelle ces derniers des judices. Quand Libanios fait l’éloge d’un gouverneur, cette qualité est hissée au premier rang, souvent associée au mépris des richesses et à l’honnêteté (par exemple Ioulianos). De tels éloges en disent long sur le comportement d’autres gouverneurs moins vertueux. Le sophiste attribue la δικαιοσύνη aux destinataires de ses lettres, hommes d'influence et de pouvoir dont il espère un service, un geste en sa faveur ou la défense de ses proches, qualifiés eux aussi d'hommes justes et honnêtes. De vertu personnelle, la justice passe alors dans le champ politique, pour le bien d'autrui. Elle peut être associée à d'autres vertus morales comme la φιλανθρωπία et la σωφροσύνη («... ton cœur juste, ta générosité raisonnable, ton ventre et ton sommeil maîtrisés » dans ep. 899 à Tatianos) ainsi que la serviabilité et le respect d'autrui (« il est sage, juste, serviable pour ses amis et il sait être respectueux », dans ep. 929 au sujet de Thalassios). Carrié, « Introduction », dans Carrié, Duval 1998. |
E
Étape
Les étapes (σταθμός) sont les lieux où les voyageurs peuvent s’arrêter pour changer de monture, assurer le ravitaillement des hommes et des bêtes, faire une halte pour la nuit, donc recevoir gîte et couvert. On distingue des lieux d’étape privés où l’accueil est payant et relève du commerce et les lieux faisant partie du cursus publicus où auberges, véhicules et montures sont sous contrôle de l’État, car réquisitionnés. Les services eux-mêmes (soins, nourriture, hôtellerie, services vétérinaires, charronage, maréchalerie, etc…) sont assurés par les citoyens des cités sur le territoire duquel les étapes sont situées. Ils sont accomplis au titre des munera. Dans le cursus publicus, on distingue différents types d'établissements : les stationes, les mutationes, les mansiones et les praetoria. |
Évergétisme/évergète
Pratique sociale essentielle de l'Antiquité qui se prolonge jusque dans l'Antiquité tardive, malgré des inflexions notables. Le terme εὐεργετεῖν signifie « faire du bien » et désigne les bienfaits dispensés par certains individus à leur collectivité, dans le cadre de la cité. Les évergètes sont des citoyens riches qui consacrent leur fortune, mais aussi leur temps, voire leur personne, au bien-être de leurs concitoyens ; les évergésies prennent des formes diverses, depuis une participations à des constructions ou embellissements urbains à l'organisation de spectacles, à la création de fondations, à des distributions, etc... En retour, les évérgètes qui consentent ces dépenses espèrent la reconnaissance de leurs concitoyens et la notoriété qui peut servir leur carrière. Dans l'Antiquité Tardive, les choses évoluent car les prestations évergétiques sont des charges souvent très lourdes (munera/liturgies) qui pèsent statutairement sur les notables administrant la cité, sur les grands propriétaires et les corporations ; la part libre de l'évergétisme est singulièrement réduite. Ce sont désormais les représentants de l'État, gouverneurs et hauts fonctionnaires, qui reprennent à leur compte, dans le cadre de leurs fonctions, cette politique de munificence. Ils servent ainsi leur gloire. À Antioche, où siègent à la fois le comes Orientis et le consulaire de Syrie, l'évergétisme des grands se traduit par une « manie de constructions » dont Libanios est le témoin et qu'il juge diversement selon les cas. Au IVe siècle, les évêques prennent également le relais des notables traditionnels et l'on a pu parler d'évergétisme chrétien. Jacques 1984 ; Lepelley 1979 ; Delmaire 2003 ; Cabouret 2020. |
O
Οἶκος/famille
Le terme οἶκος désigne au sens premier « la maison », puis le train de maison, donc les biens, la propriété et enfin, par métonymie, la famille. Cette notion désigne, dans l’Antiquité, un groupe plus large que la famille nucléaire (père, mère et enfants), incluant les grands-parents, les esclaves et dépendants, éventuellement les enfants déjà mariés. À l’époque tardive, le terme οἶκος prend souvent le sens de domaine ; ces οἶκοι, souvent qualifiés par des épithètes comme « grands », désignent de puissantes structures domaniales qui sont aux mains de la famille impériale, de l’Église ou de riches aristocraties locales : c’est l’exemple des Apions à Oxyrhynchos en Égypte (Gascou). |
Olympia
Les Olympia sont des concours organisés en l’honneur de Zeus Olympien, associé à Apollon et à Hermès ; ils ont lieu tous les quatre ans : ils comprennent des concours athlétiques et des concours musicaux et théâtraux. Ils se déroulent à la fois à Antioche et à Daphné (stade olympique). L’organisation des Olympia, qui constitue un munus, est assurée par un collège de trois personnes, l’alytarque, le grammateus et l’amphitalès, chacun représentant l'un des dieux qui président aux concours. Il est certain que le syriarque qui préside le koinon de Syrie n'est pas l’organisateur des Olympia, car les deux types de festivités sont très différents, celles dont le syriarque a la responsabilité consistant plutôt en chasses à la mode romaine. Libanios a prononcé son Éloge d’Antioche (Or. XI, Antiochicos) lors des Olympia de 356.
Petit 1955 ; Puk 2014 ; Liebeschuetz 1959 et 1972 ; Remijsen 2020. |
P
Ponos/philoponia
Le substantif πόνος et le verbe πονέω sont les termes usuels chez Libanios pour désigner le travail et l'action de travailler ; associés au sophiste, ils se rattachent à l'activité rhétorique, aussi bien dans le cadre scolaire et pédagogique que dans le cadre de la composition de discours et de démonstrations oratoires. S'ils soulignent l'intensité du travail fourni et les exigences de la création rhétorique, ces mots n'ont pas nécessairement la connotation négative d'effort pénible, de peine, de labeur. Cette acception est plutôt réservée à l'activité d'enseignant dont Libanios ne cache pas les difficultés. On note une fréquence remarquable de πόνος et de πονέω dans l’œuvre du sophiste, preuve du caractère essentiel pour lui de l'activité littéraire et de sa φιλοπονία. La φιλοπονία (« amour du travail ») est pour Libanios une vertu essentielle, nécessaire aussi bien pour les élèves et leurs maîtres que pour les curiales et les hommes de pouvoir. Elle suppose de la tempérance, une certaine austérité et un détachement des plaisirs vulgaires, une résistance au sommeil et à la faim. Schouler 1984 p. 964-970 ; Bry 2020 p. 32, note 10. |
Porteur
Le porteur ou messager joue un rôle particulièrement important dans l’échange des lettres. Certes, il est d’abord le vecteur de la transmission. Aussi tous les voyageurs, soldats, fonctionnaires en déplacement ou personnages en mission peuvent-ils être amenés à transporter du courrier et à le remettre dans les différents endroits parcourus ou visités. Mais le rôle du porteur ne s’arrête pas là. En effet, toutes les informations ne sont pas transmises par écrit, loin de là, pour des raisons de prudence, de discrétion, ou même de code esthétique de la correspondance. Le plus souvent les informations les plus techniques et les plus prosaïques, et a fortiori les plus confidentielles, sont transmises à l’oral par le porteur. Cela suppose donc une relation de confiance entre l’auteur de la lettre et son porteur, car le premier confie au second des informations précieuses. Libanios recommande souvent le messager à son correspondant et cette recommandation n’est pas que de pure forme. Le porteur est un acteur-clé dans une relation triangulaire. Cela explique aussi le caractère décevant (pour nous) de certaines lettres qui restent très vagues et déroulent des compliments banals, voire verbeux. C’est que la lettre est un objet littéraire qui relève d’objectifs esthétiques et culturels autant qu’informatifs. Le dialogue oral, plus factuel, nous est définitivement perdu. |
Profectio
Cérémonie qui constitue le pendant de l’adventus ; les notables municipaux les plus en vue, en tant que représentants éminents de la cité, escortent l’empereur, ou le haut fonctionnaire qui le représente, quand il quitte une cité avec sa suite et l’accompagnent jusqu’à un point déterminé, qui constitue la limite du territoire : sur la route qui quitte Antioche vers le nord, il s'agit de l'étape de Pagraï (ep. 990, 4 ; Or. V, 41). |
Pronoia
Prévoyance, Providence, « sagacité » chez Schouler. La pronoia est une qualité essentielle du gouvernant, en particulier de l’empereur, qui est censé être omniscient : elle consiste à prévoir les mesures à prendre pour gouverner et assurer le bien-être des sujets. Le mot, employé avec un complément de nom, désigne le soin de pourvoir à quelque chose. Schouler 1984, p. 984-987. |
Puissance/puissant
Le mot grec δυναμίς renvoie à l’influence, la capacité d’agir, la surface sociale de certains personnages. La catégorie de « puissant » prend une véritable épaisseur sociale à l’époque tardive. Le fondement de leur puissance est économique : ce sont des gens riches et de gros propriétaires, mais la traduction de cette richesse est sociale et politique. L’adjectif substantivé οἱ δυνατοι/potentes désigne une catégorie de gens qui n’ont pas forcément de fonction précise ou de statut juridique particulier, mais que caractérise leur pouvoir d’agir, qu’ils actionnent grâce à différents leviers : la fortune, les réseaux d’influence, la réputation familiale ou personnelle, le clientélisme, voire la corruption... On distingue cependant une hiérarchie des puissants. À l’échelon municipal, les « puissants » sont des notables, les « premiers » de la cité (principales), constituant une véritable catégorie juridico-sociale dans la cité. Ce sont aussi les propriétaires fonciers (κτήτορες/possessores) qui deviennent l'un des corps représentatifs des cités. Aux échelons supérieurs, les « puissants » sont les sénateurs - cette puissance est alors statutaire - mais aussi d’autres catégories qui se caractérisent par leurs fonctions au service de l’État ou par leur dignité, qui ne correspond pas forcément à une fonction précise. Laniado 2002, en partic. p. 171-200 ; Cabouret 2020. |
R
Rhéteur
Tout comme le sophiste, le rhéteur est un professionnel de la parole. Le terme est cependant polysémique, car il peut se rapporter à différentes activités liées à un usage public de la parole. Ainsi, un homme politique, un professeur, un avocat peuvent recevoir la dénomination de « rhéteurs ». Chez Libanios, le mot rhéteur se rapporte à des professeurs de rhétorique exerçant de manière privée ou comme assistants dans sa classe ; dans ses lettres, c'est cependant le sens d'avocat qui est le plus représenté (cf. ep. 857 au sujet de Diognètos ou ep. 1022 au sujet de Priskianos). Bry 2014, p. 137-138 ; Puech 2002, p. 10-15 ; Bry 2022, p. 76-80. |
Route
La route (ὁδός) désigne par métonymie le voyage. Les déplacements sont particulièrement nombreux dans l’Antiquité tardive, qu’ils soient privés ou officiels ; cela s’explique d’abord parce que les motifs de déplacements sont fréquents, les mobilités accrues du fait de l’augmentation des fonctionnaires, les échanges intensifiés et diversifiés. Dans le domaine privé, les pèlerinages prennent une importance nouvelle et conduisent sur les routes de nombreux pèlerins, en particulier à travers l'Orient, siège des Lieux saints ; pour les déplacements officiels, l’organisation du cursus publicus est désormais bien rodée et les officiels empruntent ce service public pour la plus grande facilité de leurs missions. Le réseau routier romain est extrêmement dense, complet et hiérarchisé : il a été l’un des instruments de l’administration et du contrôle des territoires réunis sous la domination romaine. Même si les infrastructures souffrent parfois de vieillissement et que certaines routes rendent les voyages longs et pénibles, si d’autre part les abus d’utilisation du cursus sont nombreux et que la législation tente d’y remédier, le système reste globalement performant. https://orbis.stanford.edu/ (application modélisant les déplacements dans tout l'empire romain) |
S
Silence
Le silence (σιωπή), antithèse de la rhétorique, est très présent dans l’œuvre de Libanios ; il occupe aussi une place importante dans ses lettres. Dans le contexte épistolaire, le silence correspond à une interruption des échanges. Outre le fait qu’une lettre tienne lieu d’une conversation à distance, sa dimension orale tient à l’habitude antique de dicter son texte à un secrétaire ou au porteur chargé de la confier à son destinataire et de la lire devant lui. Un échange épistolaire constitue donc bien un dialogue entre deux individus dont la voix est relayée par une tierce personne. L'absence ou la suspension de ce dialogue donne ainsi pleinement sens au terme « silence ». Le silence est toujours subi par Libanios, qu’il vienne de lui ou de son correspondant. Libanios est contraint de se taire du fait de sa santé défaillante (voir ep. 1110, 5) ou par crainte d’importuner l’autre, qui n’écrit pas, en demandant un service avec trop d'insistance (ep. 1029, 1 : « Je t’écris moi-même après un certain temps, alors que toi tu ne nous écris jamais (…) Mais à présent, même si j’en avais la ferme intention, je ne peux pas garder le silence : j’écris et je te demande de trouver à mes difficultés actuelles une solution. ») Attendre une lettre qui n’arrive pas est toujours mal vécu par le sophiste ; on sent à plusieurs reprises de la déception, voire de la rancœur et de l’amertume à l’égard de l’ « ami » négligent ou oublieux (ep. 849 ou 1111). Cribiore 2007, p. 229-231 ; Bry 2020, p. 95 ; Bry 2022, p. 76-80. |
Sophiste
Un sophiste est un orateur qui se voue à la fois à l'enseignement de la rhétorique et à l'éloquence d'apparat, c'est-à-dire à la composition de discours faisant l'objet de démonstrations oratoires publiques. Il est probable toutefois que ce terme ait été réservé aux orateurs jouissant d'un statut particulier, car disposant d'une chaire officielle après nomination par la curie – validée par l'empereur – ou par l'empereur lui-même. Ces sophistes recevaient donc un salaire public (sur la délicate question des salaires, voir Bry 2014, p. 152). Le terme sophiste est employé par Libanios en référence à des sophistes officiels actifs dans d'autres cités qu'Antioche. À Antioche, le terme n'est employé que pour Acacios, son rival, et Eusébios XXII/24 qui fut son assistant. Ce choix de vocabulaire laisse donc à penser qu'Eusébios bénéficiait d'un statut officiel dans l'école municipale de la ville. Les autres professeurs de rhétorique, notamment les assistants de Libanios, sont nommés « rhéteurs » (cf. par exemple Or. XXXI) ou didaskaloi. Si le rhéteur, tout comme le sophiste, est un professionnel de la parole, il existe bien une différence d'acception entre ces deux termes. |
Σωφροσύνη
Valeur fondamentale de la morale libanienne. La σωφροσύνη (modération/tempérance) figure chez Platon et Aristote parmi les vertus cardinales. Elle est le contrôle par la raison des penchants aux plaisirs, mais aussi la capacité de rester modéré dans la satisfaction des besoins primaires (alimentation/sommeil/activité sexuelle). Elle peut friser l'ascétisme. La σωφροσύνη est liée à la φιλοπονία, l'amour du travail : le renoncement aux plaisirs permet de se livrer aux études et à la formation intellectuelle tandis que l'amour du travail renforce la tempérance. Σωφροσύνη et φιλοπονία sont deux vertus requises par Libanios aussi bien chez ses élèves que chez les hommes de pouvoir. À ce titre, l'empereur Julien est considéré par le sophiste comme un exemple. |
Schouler 1984, p. 946-964 ; Bry 2020, p. 35, n. 20. |
T
Tachygraphie
Système d’écriture rapide utilisant un ensemble de signes qui permettent de prendre des notes rapidement et synthétiquement, en particulier pour restituer un discours oral dans les transcriptions formelles et informelles. Cette technique est enseignée en particulier à Constantinople, dans les scholes de notarii (sténographes). L’apprentissage est assez long, car il faut apprendre les signes et s’entraîner. Ce qui n'est qu'une « simple » technique est cependant dépréciée par rapport à l’art noble de la rhétorique ; elle est acquise par des notarii, preneurs de notes, qui sont des individus de condition libre – et non plus des esclaves ou affranchis – et qui peuvent faire de belles carrières. La fonction de notarius a gagné en importance à l’époque tardive étant donné le nombre de documents transcrits et enregistrés. Libanios désigne la tachygraphie par une périphrase qui en dit long sur son mépris pour ceux qui ont reçu cette formation : τούτων δὴ τῶν σημείων ἡ τέχνη, « la technique de ces signes » (Or. XLII, 25). Delmaire 1995, p. 47 sq. ; Wolff 2015, p. 96. |
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